Histoire Muette

Un médecin légiste en panne de glaçons se rabat sur les cadavres frigorifiés, un homme se fait dévorer par son propre déjeuner pendant que les enfants jouent aux billes avec les yeux d'un adolescent accidenté… Autant d’histoires où le corps se déchire, s'altère et gicle dans une cruauté joyeuse.

Figure réputée de la scène graphique underground, Stéphane Blanquet entre dans le domaine de l'animation un peu par hasard. Alors que le collectif marseillais Le Dernier Cri prépare un film d'animation dont la diffusion est prévue dans l’émission L’Œil du Cyclone sur Canal+, l'un des auteurs prévus, Thomas Ott, n'est pas en mesure de réaliser sa séquence pour des raisons de planning ; Blanquet et sa compagne Olive sont appelés en remplaçants et se retrouvent rapidement formés à la méthode du papier découpé sous la direction de Marc Druez. Ravi de cette première expérience faite sur le tas, le duo décide de poursuivre dans cette voie en adaptant l'un des ouvrages de Blanquet, Mon Placard. Malgré les récompenses reçues en festivals par ce film sorti en 1999, la production laissera un goût amer aux réalisateurs en raison d'un temps de tournage qui piétine, de l’insalubrité des locaux et d’un mixage jugé désastreux. C'est dans le souhait de retrouver la spontanéité de leur expérience avec Le Dernier Cri qu'ils conçoivent la série Histoire Muette en 1999.

L’écriture des épisodes et la création de l’ensemble des éléments à animer sont effectuées en trois mois. Le tournage mené sur deux bancs-titres est bouclé en six semaines et trois mois supplémentaires de post-production seront nécessaires pour livrer la série au Service des Programmes Courts de Canal+.
Réduites à l’essentiel de par leur durée d’une minute, ces 26 histoires en papier découpé exploitent les thèmes les plus chers de l’auteur : l'animalité de l'homme, l'enfance et l'altération du corps. Outre les scènes prétextes à la nudité, aux giclures de sang et autres mutilations, le caractère grinçant des récits passe par une animation effectuée sur le vif, avec des soubresauts erratiques laissés tels quels que viennent appuyer les concassages sonores de Pakito Bolino. En digne héritier de Sade et de Topor, Blanquet révèle un monde torturé, en proie à la perversion sous toutes ses formes, le tout avec une drôlerie féroce.
Après sa diffusion sur Canal+, la série fut auto-éditée en VHS dans un tirage d’auteur très limité : livrée dans un sac en toile sérigraphié, la cassette comprenait les 26 épisodes, un générique de fin inédit montrant un bourreau décapiter les membres de l’équipe technique un à un, ainsi que le court-métrage Mon Placard. En 2006, l’éditeur Art Malta sort le DVD Les Réanimations de Blanquet et Olive qui réunit l’intégralité des travaux animés du duo (à l’exception du générique de fin de la VHS).