Souris Souris

Gisèle et Martin, deux souris messagères du Royaume des dents de lait, ont pour mission de rendre une petite visite nocturne à chaque enfant ayant perdu sa première dent, et de lui porter à cette occasion, en échange de celle-ci, un cadeau. Mais ce n'est pas chose aisée quand, sur leur chemin, ils rencontrent des chats, des rats, ou encore un hibou. Fort heureusement, leur ami Arthur, le cormoran qui les accompagne lors de la plupart de leurs aventures, peut leur apporter son aide.

A l'origine de la série télévisée Souris Souris, il y a le court-métrage La Souris du Père Noël produit et dessiné un an auparavant, en 1991, par Jean-François Laguionie et La Fabrique avec FR3, et édité en VHS peu après (lors de sa sortie au cinéma, ou l'une d'entre elles, il fut accompagné par un court-métrage d'animation bien différent mais ô combien jubilatoire en son genre, à savoir Le noiraud porte-malheur / Bad Luck Blackie de Tex Avery). Françoise Gaspari s'exprime ainsi quant à la naissance de cette histoire dont elle est l'auteure : L’idée de La souris du Père Noël m’est venue d’une question posée par ma fille Oriane, à l’époque où je jouais encore avec elle à la Souris en lui glissant de petits cadeaux sous son oreiller, chaque fois qu’elle perdait une dent. Elle m’a demandé très sérieusement : «Dis maman, tu sais ce que les souris font avec les dents des enfants quand elles viennent les chercher ?». Comme je répondais non, elle m’expliqua que les souris se servaient des dents de lait pour fabriquer leur maison. Une très très très grande maison … Et j’ai commencé à rêver !. De fait, laissant alors son esprit jouer avec cet embryon d'idée, Françoise Gaspari a fini par lier deux personnages imaginaires ayant, à leur manière, le même but, celui de récompenser l'enfant : pour sa bonne conduite en général et tout le long de l'année pour le Père Noël, et de palier à la perte d'une dent pour la petite souris, évènement qui peut affecter différemernt chaque enfant allant d'une petite angoisse à une peur plus importante.

En cette première aventure, Gisèle et Martin se faisaient en quelque sorte les auxiliaires du Père Noël et de ses lutins, ce le temps de la nuit du réveillon pour venir en aide au vieil homme, celui-ci ne pouvant fabriquer à temps un jouet qui lui est demandé, la lettre du jeune enfant lui étant parvenue trop tard suite à un petit accident d'Arthur, le cormoran faisant office de facteur. Ainsi, l'univers de cette oeuvre cinématographique a connu une prolongation sur le petit écran sous la forme de la série tout simplement intitulée Souris Souris, celle-ci étant composée de 26 histoires beaucoup plus courtes et avec à nouveaux les artistes de La Fabrique lui donnant vie. Le format conservera fort heureusement la délicatesse du court-métrage et la douceur de ses couleurs, le grain des pastels étant juste un peu moins duveteux, La série est ainsi tout aussi agréable à suivre pour les jeunes téléspectateurs et l'on y retrouve bien évidemment Elise, la reine du Royaume des dents, toujours légèrement acariâtre, mais faisait preuve finalement de bienveillance. C'est elle qui d'ailleurs choisi souvent le cadeau à offrir, celui-ci correspondant ou s'approchant dans la plupart des cas au désir de l'enfant.

Quoique s'adressant à très jeune public au contraire de ses premières oeuvres (de 4 à 8 ans environ et de fait particulièrement concerné par la perte des dents de lait), on ressent en ce programme plein de tendresse toute la subtilité des créations de Jean-François Laguionie, ce à la fois dans la narration et les illustrations, ainsi que l'atmosphère bienheureuse qui en découle. Petite particularité, si la série est relativement sobre quant à sa mise en scène, il sera parfois utilisé la technique dite du raccord par analogie, notamment dans l'épisode Gratte-ciel montrant Arthur en plein ciel volant au plus haut des immeubles puis, de suite, le plan suivant se faisant sur l'oiseau-jouet en bois volant dans le palais du Royaume des dents, ou dans l'épisode Le dé à coudre, lors des deux premiers plans, le premier montrant une chouette sur la branche d'un arbre avec au loin une maison, l'image laissant sa place à celle exposant l'intérieur de l'habitation avec, pour premier détail apparessant au regard, un poêle à bois dont la forme semble remplacer celle de la chouette. Parmi les plus célèbres exemples, on peut observer ce procédé dans Un Chien Andalou de Buñuel, Psychose de Hitchcock, 2001, l'odyssée de l’espace de Kubrick, ou encore dans les premiers épisodes d'Albator avec Rintarô à la barre.

Le folklore qui se tisse autour de la petite souris ou de la fée des dents (pour les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, le Danemark et l'Australie), l'une ou l'autre passant prendre ce petit morceau d'un être pour l'échanger avec un cadeau (en général une pièce de monnaie pour la fée), est relativement récent et diffère également selon les pays et les cultures. Il a ainsi commencé à apparaître en France en quelques oeuvres au cours du 20ème siècle avec diverses variantes (bien qu'éloigné du propos, ou tout du moins sans rapport direct, Madame d'Aulnoy fit d'une souris une fée dans l'un de ses contes « La bonne petite souris »). Dans la série, on peut voir justement que si la plupart des enfants déposent leur dent sous l'oreiller, l'un d'entre eux la laisse dans un verre d'eau, ce dernier moyen semblant être plus particulier aux suédois, mais aussi en Argentine. Enfin, on notera que pour tout premier cadeau offert, la série débute avec celui qui est le plus indispensable pour la nouvelle dent à venir : une brosse à dent.

Coproduite avec le groupe EVA Entertainment / EVA Animation nouvellement créé sous l'impulsion de Jean-François Laguionie (réunissant autour de La Fabrique pour la France, Siriol Productions devenu depuis Calon pour le Pays-de-Galles et le Royaume-Uni, Sofidoc pour la Belgique, et Cologne Cartoon pour l'Allemagne), cette série connaîtra sa première diffusion – semble-t-il – au Royaume-Uni, sur CBBC (Children's BBC), sous le titre Tales of the Tooth Fairies (Contes des fées des dents), peut-être entre septembre et décembre 1992 (en gaélique également : Na Luchagan Fhiacla), avant d'être diffusée en France l'année suivante sur Canal + et France 3, puis un peu plus tard en quelques autres pays d'Europe comme la Slovénie (Pravljice o zobnih miskah).