Le Lapin Jouet

Fiche technique
Nom originalZhivaya Igrushka (Живая игрушка)
Le jouet vivant
OrigineRussie
Année de production1982
ProductionSoyuzmultfilm
Durée10 minutes
RéalisationLeonid Kayukov
Producteur exécutifNikolai Yevlukhin
ScénariiMichael Lipskerov, Vladimir Pekar
AnimationYoury Meshcheryakov, Antonina Alyoshina, Vladimir Shevchenko, Vladimir Krumin, Galina Zebrova, Andrey Ignatenko, Elena Malashenkova
Direction artistiqueZoya Monetova, Maria Rudachenko
Direction du sonBoris Filchikov
DécorsYelena Aleksandrovna Gololobova, V. Kharitonova, Svetlana Skrebneva
MontageG. Smirnova
CadrageKabul Rasulov
MusiquesIgor Efremov
ChansonsAlexander Timofeyevsky paroles originales
Diffusions
1ère diff. Cable/Sat/TNT6 janvier 1996 (Canal J)
Editions
Sortie en VHSAnnées 1980 (Socaï Films)
1996 (Citel)
Synopsis

Par un beau matin, se levant sur une nature resplendissante de sa verdoyance, et dans une atmosphère bucolique baignée des senteurs de la terre, des végétaux et des fleurs, une mère lapin sort de son terrier. Peu après un court instant d'observation des alentours et tapotant le sol d'une patte, elle appelle et invite ses trois enfants à la rejoindre. Mais si les deux plus jeunes lapins aux yeux bleus se sont extraits de suite de l'habitat, tout heureux de s'épanouir au grand air, le troisième un peu plus âgé et aux yeux noirs – encore confortablement endormi au cœur du terrier – est resté sourd au premier appel, de même qu'au second où se sont joints les deux plus jeunes enfants, obligeant ainsi maman lapin à le réveiller en le caressant doucement.

Les trois enfants alors réunis au seuil du terrier tournent et roulent ensemble et font des petits sauts de joie qui les mènent à quelques pas de leur foyer. Toutefois s'il est heureux de se retrouver et de jouer au dehors, maman lapin se doit aussi d'éduquer quelque peu ses enfants et ce matin-là elle leur apprend à faire d'amples bonds, ce que font les deux plus jeunes lapins obéissants pendant que le plus âgé, curieux de ce qui l'entoure, s'amuse à observer la nature qui s'exprime alors sous ses yeux sous la forme d'un lucane cerf-volant voletant autour de lui et d'une sauterelle avec laquelle il partage quelques sauts.

Maman lapin, bienveillante, s'aperçoit évidemment que l'aîné de ses élèves est quelque peu dissipé et lui fait comprendre avec gentillesse que ce n'est pas bien puis, pour les récompenser de ces petits efforts, elle invite ses enfants à cueillir et déguster des fleurs de trèfle rouge. Mais alors qu'il s'apprête lui aussi à manger une délicieuse fleur, le regard du jeune lapin quelque peu distrait se porte un court instant sur un joli papillon et il ne voit pas au moment de croquer la plante qu'une grosse abeille s'est posée sur celle-ci. Le temps de l'étonnement passé et d'une étrange sensation vrombissante et de bourdonnement en bouche, il recrache l'insecte qui fort mécontent de cette mésaventure poursuit le petit lapin qui, fuyant à toute vitesse, finit sa course dans un jardin après s'être faufilé par un trou dans une clôture.

De l'autre côté de la barrière, le jeune lapin découvre ce qui est un jardin et dans celui-ci son attention se porte de suite sur une rangée de plantation de carottes. A la vue de ces gourmandises, il ne peut résister, et il commence alors à grignoter une racine sans prêter attention à ce qui l'entoure...
Non loin de là, sur le perron de bois de la maison qui jouxte ledit jardin, une petite fille prénommée Katya chante tout en jouant avec ses jouets : elle fait ainsi semblant de faire la toilette à son ours en peluche, installe celui-ci à table avec sa poupée parlante, son lapin en tissu et un chien en peluche également, puis couche la poupée tel un poupon dans son petit lit – un berceau à bascule –, avant que de jeter sur le plancher ses autres jouets car elle est quelque peu triste de feindre de croire qu'ils sont vivants alors qu'ils restent inertes, leur regard toujours rivé droit devant.
C'est à cet instant que, descendant les marches du perron, elle aperçoit un petit lapin immobile tout au bout du jardin, près des carottes, le petit animal ayant dévoré plusieurs de ces dernières avant de s'endormir. Tout heureuse de sa découverte, la petite fille s'approche du lapin qui, s'éveillant alors sous l'ombre menaçante à ses yeux qui le recouvre, ne peut échapper aux bras qui se tendent vers lui. Katya emporte ainsi avec elle le petit animal tant bien que mal celui-ci, apeuré, se tordant dans tous les sens pour s'extraire des mains qui le maintiennent prisonnier. Puis la petite fille emmaillote le petit lapin dans un lange tel un nouveau-né et lui attache de jolis rubans sur les oreilles ; la peur l'enserrant alors encore un peu plus, le petit lapin pousse un cri qui, malgré la distance, parvient aux grandes oreilles de maman lapin. Celle-ci de suite, avec ses deux autres petits, accourt dans la direction d'où venait l'appel de son enfant et arrive rapidement à la clôture par où ce dernier au travers de la brèche s'était faufilé pour échapper à l'abeille en colère. Mais hélas, le trou dans la barrière est trop étroit et maman lapin, apercevant furtivement son petit par cette ouverture, ne peut passer de l'autre côté. Dans cette urgence, tout en creusant la terre au pied de la barrière, elle envoie ses deux autres enfants qui l'ont accompagné secourir leur aîné imprudent, ceux-là n'ayant aucun mal à passer par la trouée.
Pendant ce temps, Katya tente de nourrir le petit lapin qu'elle tient dans ses bras avec beaucoup d'affection puis, le croyant un peu malade, le couche dans un landau pour qu'il se repose : il s'y endort rapidement épuisé par la frayeur éprouvée. Puis Katya s'éloigne un moment du perron. Les deux petits lapins venus porter secours profitent de cet instant pour s'approcher de l'endroit où est retenu leur aîné, le découvre à demi endormi dans la poussette qu'ils font rouler le plus vite possible vers la barrière, au lieu où se trouve la trouée où ils arrivent si précipitamment qu'ils renversent le landau et son contenu. Maman lapin passe alors ses bras à travers l'ouverture pour attraper son enfant encore inconscient que lui tendent de leurs petites pattes les deux cadets qui se faufilent à la suite par cette brèche, synonyme dans ce sens de liberté. Katya découvre évidemment avec une grande tristesse la disparition du petit animal...

De retour près de leur foyer, la petite famille lapin reprend ses esprits, maman lapin choyant son petit délivré du danger, celui-ci revenant à lui doucement, s’éveillant à nouveau à la vie qui l'entoure,et souriant à la vue de son ami la sauterelle, ainsi que de l'abeille qui, le survolant, lui dénoue l'un des deux rubans attaché par la petite fille à l'une de ses oreilles, dernier reliquat de ce mauvais moment maintenant passé (l'autre morceau de tissu s'est détaché seul lors de la grande évasion), Ce ruban, l'insecte l'emporte loin avec lui, au plus haut dans le ciel bleu, la bande de tissu s'étendant alors sur l'image en boucles et courbes dessinant des lettres pour signifier la fin de cette petite aventure.

Commentaires

En 1982, si l'âge d'or du studio Soyuzmultfilm relève alors du passé selon certaines perspectives, les productions réalisées après cette période, quoique semblant moins imposantes à quelques égards, offre à admirer, toujours en une intense et riche production, une incontestable virtuosité créatrice et ce avec moult expériences tout autant dans les domaines de la narration et des idées que dans ceux du graphisme et de l'animation, même pour des œuvres semblant mineures. C'est ainsi le cas du Lapin Jouet qui, sous ses dehors légers d'une histoire très simple ornée de dessins au style enfantin (proche d'illustrations de la littérature jeunesse considérée comme populaire), conserve encore un peu du monde animalier touchant au naturalisme dans l'animation soviétique des années 50/60. Aussi, si les lapins sont représentés avec de grands yeux telle une descendance de Panpan, l'ami du jeune faon dans Bambi de Disney, la nature qui les entoure offre à voir des décors raffinés où, feuilles et pétales fourmillent à l'image en de doux paysages. A propos de Disney, un peu de son univers est d'ailleurs « présent » dans une autre œuvre de l'écrivain et scénariste Michael Lipskerov (1939-) à qui l'on doit ce Lapin Jouet, à savoir dans la série de court métrage Samij Malenkij Gnom au travers de quelques nains issus du Blanche-Neige disneyien apparaissant dans un album d'images du petit gnome, héros de cette série aux jolis et tendres volumes.
Visuellement également, quoique très différent et cela étant subjectif, à la vue de quelque aspect de ce court métrage, on pense un peu à Panda petit Panda (1972) de Isao Takahata et Hayao Miyazaki, avec entre autres légers détails Katya, la petite fille aux couettes ayant quelque affinité avec le personnage miyazakien Mimiko conçu à l'origine du projet sur celui de Fifi Brindacier d'Astrid Lindgren.

La simplicité de l'histoire précédemment soulignée, celle-ci étant contée justement de manière amusante, repose tout de même sur des questionnements profonds concernant les agissements de l'homme face au monde animal. On peut voir ainsi au travers du comportement amical de la petite fille envers le lapin, les dangers qu'une telle manifestation peut induire. Par extension, le message est simple et clair : l'animal aussi mignon soit-il du point du vue humain ne doit pas être pour autant un objet que l'on manipule comme les divers objets entourant l'homme. L'animal n'a probablement pas conscience qu'il est un animal par rapport à l'homme, comme il n'a pas conscience du monde qui l'entoure comme l'homme en a plus ou moins conscience, ce dernier ne pouvant également savoir le degrés de conscience qu'un animal porte sur le monde... De fait, la jeune enfant dans son geste inconscient met en péril la vie du jeune lapin, même si pour le spectateur le danger ne semble pas si évident puisque l'enfant choie le petit animal qui ne peut comprendre la situation et qui en a donc peur : cette crainte étant déjà un premier pas vers un possible drame, celui-ci étant fort heureusement évité grâce au courage de maman lapin et de ses petits. Tout cela est traité avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse au travers d'une animation toute de finesse.

Il est également suggéré dans cette histoire que l'enfant peut souffrir quelque peu d'une certaine solitude, du moins en l'absence d'autres personnages humains dans la maison et le jardin qui jouxte cette demeure (les parents de l'enfant ne semblent pas présents en leur foyer à ce moment-là). La petite fille semblant livrée à elle-même joue par ailleurs avec des jouets qui, malgré son imagination à les rendre vivants à son regard, ne comblent pas un léger vide que vient amplement remplir le petit lapin de par sa nature, entre l'animal et le merveilleux, du moins à ses yeux. A cet égard, on peut voir une légère corrélation entre la relation non partagée entre cette petite fille et le jeune lapin avec celle inverse justement entre l'enfant et son jouet dans le conte Le Lapin de Velours de Margery Williams. On peut aussi observer, dans la série citée plus haut Samij Malenkij Gnom (quatre courts métrages réalisés en stop motion par Michael Kamenetsky de 1977 à 1983) du même scénariste que le Lapin Jouet, un peu de la solitude du plus petit gnome au monde, ses grands-parents quoique affectueux le délaissant quelque peu, ceux-ci étant continuellement devant le poste de télévision (en dehors de la petite demeure familiale, le petit gnome n'est toutefois pas seul et il vit tout de même de nombreuses aventures avec autant de résidents de la forêt).
La solitude de l'enfant est également soulignée au travers des paroles de la chanson que chante la petite fille. Ces paroles sont signées par le poète, écrivain et scénariste Alexander Timofeyevsky, celui-ci étant particulièrement connu pour ses textes dans le cadre du cinéma d'animation : il a notamment écrit l'émouvante chanson « Goluboj Wagon » (Le wagon bleu) interprétée par le personnage Gena le crocodile dans le troisième court métrage Chapeau-Claque consacré au célèbre Cheburashka en 1974. A cet égard, c'est l'actrice et chanteuse Klara Rumyanova (1929-2004) qui double Cheburashka dans la version originale qui prêta également sa voix à Katya, la petite fille du Lapin Jouet (on ajoutera que l'on retrouve un peu de la partition musicale de cette chanson de Gena et d'une certaine mesure de sa rythmique dans la composition du générique de la série d'animation japonaise Hoshi no Ôji-sama Petit Prince conçue en 1978 par le studio Nac / Knack Productions, adaptation du Petit Prince de Saint-Exupéry, surtout au travers de la très belle interprétation qu'en donna alors en sa reprise le jeune Sergey Paramonov (1961-1998), enfant star des années 70 du Grand cœur d'enfants créé par Victor Popov, son interprétation devenant par ailleurs plus célèbre que l'originale issue du court métrage, la voix du jeune interprète japonais Kenzaburô Suzuki chantant la chanson du Petit Prince étant également à cet égard relativement proche dans son registre alto à celle du jeune chanteur russe, et pour cause lui aussi était issu d'un chœur d'enfants, à savoir celui du Froebel Boys' Choir de Tôkyô).
Quelques mots encore concernant une scène en particulier, celle de la précipitation du sauvetage où les deux petits lapins se trompent et emmènent dans un premier temps le lapin en tissu de Katya avant que d'entendre leur aîné et de le découvrir dans la poussette. Cette confusion est amusante, mais elle est également réaliste en un certain sens puisque la vision de cet animal n'est pas parfaite et l'on peut prêter à de jeunes lapins apeurés en une telle situation des sens quelque peu désorientés au point de ne pas reconnaître immédiatement l'un des leurs. Cette action en cette scène est suivie de suite par celle où les deux petits lapins emportent à toute vitesse le landau et son passager, et pour ce faire sont obligés de descendre en catastrophe les trois marches du perron, cette image renvoyant avec évidence à l'une des images du cinéma les plus célèbres au monde, à savoir celle de la poussette dévalant les marches de l'escalier monumental d'Odessa dans le film Le Cuirassé Potemkine (1925) de Sergueï Eisenstein, référence sur laquelle nous reviendrons à la fin de ce texte.
Quant au traitement des personnages, il est d'une extrême subtilité dans ses formulations graphiques et l'on peut ressentir comme un bien être à la vue de la bonté maternelle de maman lapin et être de même ému face aux sentiments de la petite fille, tout cela pour une œuvre simple mais pleine d'une fraicheur joliment colorée.
On soulignera également que les personnages animaliers, quoiqu'étant animés d'un caractère proche de l'humain, n'usent d'aucun langage vocal pour une plus juste approche naturaliste de leur comportement et de leur environnement.

Ce court métrage a été réalisé par Leonid Kayukov (1938-) qui a dirigé une dizaine d'autres films d'animation (environ quinze entre 1977 et 1993) pendant les quatre décennies de sa carrière d'animateur (sur une cinquantaine de films entre 1960 et 1992). On remarquera particulièrement que sur dix films d'animation qu'il dirigea, dont Le Lapin Jouet, il fit appelle au même compositeur, à savoir Igor Efremov (1939-2010).
Parmi de nombreux personnages animaliers qu'il a mis en scène, des lapins aux grands yeux figurent déjà dans ses premiers courts métrages : Veselaya Karusel n°9: Za Schelchok en 1977 et Podarok dlya samogo slabogo en 1978. Avec au scénario Michael Lipskerov et à la musique Igor Efremov, il a réalisé Gde zhe medvezhonok? à l'occasion des Jeux olympiques d'été de Moscou en 1980, court métrage d'animation mettant en scène des motifs de la culture russe – et futurs cadeaux pour les visiteurs – à la recherche de leur nouveau compagnon personnifiant l'évènement sportif et où figurait justement à la fin du film, en cinq personnages représentant chacun un anneau olympique, cette mascotte de ces olympiades, l'ours Misha / Michka créé en 1977 par l'illustrateur Victor Tchijikov, à ne pas confondre avec Michka, l'ours en peluche, personnage de l'un des plus célèbres albums du Père Castor publié en 1941, conte de Michel Colmont illustré par l'artiste russe Feodor Rojankovsky (et adapté dans le 54ème épisode de la série d'animation), à ne pas confondre également avec l'ourson Míša Kulicka des albums jeunesse tchèques – tous aussi merveilleux que ceux précités – écrits par Josef Menzel et illustrés par Jirí Trnka, le maître de l'animation tchèque, dont quelques volumes ont été publiés dans les années 1950 en France aux éditions Gründ sous le titre Les Aventures de Micha la boule, et qui ont été adaptés en une charmante série de marionnettes à tiges et fils réalisée en 1973 par Libuše Koutná (série qui a connu une diffusion francophone au Québec). Ce personnage sera ainsi plus ou moins présent pendant cette période avant les Jeux dans plusieurs courts métrages d'animation du studio Soyuzmultfilm et sa notoriété sera telle de par le monde que le studio japonais Nippon Animation produira en 1979 une série totalement dédiée à l'ours intitulée Koguma no Misha, production qui sera diffusée en France à partir de 1989 sur La Cinq (Michael Lipskerov a également écrit pour une série faite de courtes séquences d'animation produites par le studio Ekran pour ces mêmes Jeux olympiques et où l'on pouvait suivre les deux personnages principaux maquillés tels des clowns s'essayant aux diverses disciplines sportives, ces séquences ayant été diffusées à l'époque en France sur Antenne 2, peut-être juste après le générique de fin des Récré A2 de 17h50 en semaine).
Précédent et succédant au Lapin Jouet, et toujours avec Igor Efremov à la composition musicale, Leonid Kayukov a également mis en scène deux contes signés par Andrei Mikhailovich Kirillov où l'on peut suivre trois fantômes facétieux s'amuser avec un peu de malice autour de jeunes enfants non conscients de leur présence : Nichut ne Strashno en 1981 et Zmej na Cherdake en 1983. Quelques notes d'une douce mélancolie colorent ces ouvrages dirigés avec une certaine poétique et de même avec une délicate direction artistique signée par Maria Rudachenko qui œuvra à celle du Lapin Jouet.
Ses dernières réalisations seront beaucoup plus spirituelles quant au traitement naturaliste du milieu animal dont il dépeint une certaine cruauté avec Komino en 1990 s'inspirant de la légende de Mari par Vasily Yuksern (Stolyarov Vasily Stepanovich, 1918-), et Chink en 1992 d'après la nouvelle « Chink : the development of a pup » d'Ernest Thompson Seton publiée en 1902 dans l'ouvrage Krag and the Johnny Bear (célèbre auteur canadien plusieurs fois adapté au Japon et que le regretté Jiro Taniguchi aura sublimé...) et où il retrouve Zoya Monetova qui était à la codirection artistique du Lapin Jouet.

Quant à l'écrivain et scénariste Michael Lipskerov dont il a été précédemment évoqué quelques travaux, il exprimera également plusieurs thèmes pour un public adulte usant de la parodie comme avec les courts métrages Kovboi v Gorode (1973) de Vladimir Tarassov où l'univers du western est utilisé avec beaucoup d'humour pour évoquer les règles de la circulation en ville et Ograblenie Po... (1978) réalisé par Yefim Gumberg où il est fait référence via le thème du braquage de banque : au cinéma policier d'Hollywood avec notamment, outre Kirk Douglas et Elizabeth Taylor, un shérif ressemblant à Marlon Brando dans La Poursuite Impitoyable ; au polar cinématographique français avec des personnages prenant les visages de Jean Gabin (un an auparavant Anatoly Petrov utilisait le visage de Gabin et quelques autres acteurs pour son court métrage Polygon), Alain Delon, Brigitte Bardot, Louis de Funès ou encore Noël Roquevert (parodie mêlant des éléments entre Le Soleil des voyous de Jean Delannoy et Mélodie en sous-sol de Henri Verneuil) ; au cinéma italien avec un personnage ressemblant à Marcello Mastroianni prénommé Mario comme dans Nuits Blanches de Visconti et un autre à Sophia Loren... ; et enfin au cinéma soviétique même avec pour chacun un style graphique différent tout comme les couleurs allant du noir et blanc pour l'atmosphère états-unienne à des couleurs plus ensoleillées pour l'Italie (quelques années auparavant, Tadanori Yokoo avait utilisé de telles icônes du cinéma dans son court métrage également fait d'expérimentations Kachi - Kachi Yama Meoto no Sujimichi).
Avec à nouveau Yefim Gumberg à la réalisation, il fera preuve d'une dose affutée d'ironie en 1983 dans le court métrage Paradosky v Stile Rok où, sur fond de jazz rock, il développe des paradoxes sur des aspects de la société comme la démographie, l'écologie ou le modernisme. La même année, avec encore Yefim Gumberg qui s'y exprime en diverses formes d'animation, ils multiplient tous deux avec O, More, More! (La mer, la mer) les références occidentales au cinéma fantastique (Lon Chaney, Boris Karloff ou Fantômas au travers de la composition de Michel Magne) et à la musique pop (Abba, Boney M, Adriano Celentano...) pour transmettre en une psychédélique profusion bien d'autres éléments parodiant la jeunesse, le mariage et divers aspects de la société de consommation.
Parmi encore quelques autres ouvrages pour l'animation soviétique, il écrira ou co-écrira dans un style narratif plus classique quelques contes qui seront mis en scène en un somptueux stop-motion par Galina Turgeneva avec le Sverdlovsk Film Studio dont la trilogie canine Romka, Fomka i Artos (1987-89), adaptation de l’œuvre littéraire pour la jeunesse de l'écrivain Konstantin Lagunov (1924-2001). On soulignera en cette histoire du trio canin que le chien nommé Romka a pour maître un géologue, la géologie ayant été, suite à ses études, le premier domaine dans lequel travailla Michael Lipskerov entre 1957 et 1963 avant que de devenir comédien et dramaturge dans les années 60 et même officier dans l'armée, puis auteur et plus récemment romancier à partir de 2008. On reconnaîtra encore avec un certain amusement, ce dans le premier épisode de cette trilogie et sortant du poste de radio, une référence à la culture de l'Ouest de l'Occident avec l'introduction de la chanson « You're My Heart, You're My Soul » (de l'album The 1st Album, 1985) du groupe allemand d’Italo disco Modern Talking qui connut un grand succès en URSS.

Comme nombre d'artistes russes du studio Soyuzmultfilm des plus célèbres comme les sœurs Brumberg (Valentina et Zinaida) ou Youri Norstein, Michael Lipskerov est d'origine juive. Si nous soulignons ici cette ascendance, c'est pour évoquer, fait rarissime, la publication d'un livre en langue anglaise sur l'animation soviétique, trop rare étude occidentale de l'Ouest s'il en est sur une animation du 20ème siècle parmi les plus monumentales du globe, tant de par la qualité que de par sa richesse de production. Cet ouvrage, Drawing the Iron Curtain: Jews and the Golden Age of Soviet Animation écrit par Maya Balakirsky Katz (professeur d'Histoire de l'Art au Lander College for Women à Manhattan, division du Touro College de New York) et publié en 2016 aux éditions Rutgers University Press, souligne ainsi en dessinant une partie de l'Histoire de l'animation soviétique, la particularité qu'une grande partie des employés du studio Soyuzmultfilm était de culture juive, alors que dans le cinéma soviétique cette ethnie n'était quasiment pas représentée à l'écran et peu dans cette institution même, ni en aucune autre à ce degré. Ce livre évoque de fait et entre autres certains aspects ou détails de la culture juive pouvant se retrouver dans des oeuvres du studio Soyuzmultfilm. Peut-être alors la scène rappelant le film Le Cuirassé Potemkine évoquée plus haut, celle des escaliers d'Odessa, est-elle une façon de faire une légère référence aux nombreux juifs – quelques 100 000 êtres humains – qui furent exécutés en cette ville durant l'occupation roumaine et allemande, Odessa abritant à cette époque la plus grande communauté juive de l'URSS (environ 130 000 personnes).

Il existe deux versions françaises de ce petit film d'animation. La première, éditée par Socaï sur la VHS intitulée "Les Animaux de la forêt", respecte la version originale. La deuxième version française est adaptée via la version états-unienne publiée par Phil Roman et Film by Jove comme nombre de films d'animation du studio Soyuzmultfilm diffusés sur Canal J et édités en VHS dans les années 90 en France. A cet égard, sur la VHS le concernant, le film Le Lapin Jouet fut titré Un Jouet pour Tanya (le personnage est prénommé Katya dans la version originale) et il était accompagné comme lors de sa diffusion sur Canal J par le film d'animation La Princesse Grenouille de Mikhail Tsekhanovski. Hélas, malgré sa courte durée, comme un grand nombre de films du studio ayant été exploités pour la collection états-unienne « Animated Classic Showcase » de Phil Roman et dont la version française a hérité, quelques courtes scènes ont été supprimées comme celle au début du film où maman lapin caresse tendrement son enfant pour le réveiller (ainsi que quelques bonds des petits lapins et virevoltements du lucane, de même que la séquence où les deux petits lapins emportent le lapin de tissu, et évidemment la dernière image où le ruban dessine des mots en russe). Parmi les autres changements importants touchant à la lecture de l'histoire, il a été donné une voix et des paroles à maman lapin alors qu'elle ne dit mot dans la version russe et la magnifique musique d'Ivan Efremov, jouant d'une diversité d'instruments sur une composition faite de petits thèmes joyeux et enchanteurs accompagnant les mouvements comme en un ballet, a été remplacée par une partition relativement minimaliste et sans véritable couleur musicale.

Auteur : Captain Jack
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Zhivaya Igrushka © Soyuzmultfilm
Fiche publiée le 03 mars 2017 - Dernière modification le 23 décembre 2019 - Lue 15129 fois