La Forêt aux Sortilèges

Fiche technique
Nom originalShônen Sasuke Sarutobi (少年猿飛佐助)
Sarutobi Sasuke, le jeune ninja
OrigineJapon
Année de production1959
ProductionTôei Company
AnimationTôei Animation
Durée83 minutes
AuteurKazuo Dan
RéalisationTaiji Yabushita, Akira Daikuhara
ProductionHiroshi Okawa
ScénariiMichihei Muramatsu
AnimationAkira Daikuhara, Hideo Furusawa, Yasuo Ôtsuka, Yasuji Mori, Masao Kumakawa
PlanningHideyuki Takahashi, Sanae Yamamoto
Direction artistiqueSeigo Shindô, Reiji Koyama
DécorsSaburô Yokoi, Mataharu Urata, Kazue Itô
Chef coloristeKôichi Maeba
MontageShintarô Miyamoto, Kanjirô Igusa
Direction photographieSeigo Ôtsuka, Mitsuaki Ishikawa, Akio Yamamoto
MusiquesTôru Funamura
Diffusions
Arrivée en France (cinéma)22 juin 1961
Synopsis

Dans le Japon du Moyen-Âge, un jeune garçon prénommé Sasuke vit avec sa grande sœur aux abords d’une grande forêt. Familier avec les animaux, il partage avec eux repas et divertissements. Un jour, alors qu’ils se trouvent près d’un lac, l'un de ses petits compagnons est capturé par un poisson monstrueux. Le garçon lutte de toutes ses forces contre cette étrange créature, mais ses efforts provoquent la libération de la sorcière Yaksha, retenue prisonnière dans ce lac durant des millénaires.

Décidé à débarrasser le pays de cette femme maléfique, Sasuke décide de partir à la recherche d'un maître ninja qui pourrait lui apprendre le ninjutsu et ainsi lui permettre de combattre cette sorcière. Après un long entraînement, Sasuke maîtrise désormais toutes les techniques de son maître. Mais une fois de retour chez lui, il découvre que sa sœur est recherchée par une troupe de pillards alliée à Yaksha. Avec l'aide de ses amis animaux, du prince Yukimura Sanada (qui est tombé amoureux de la jeune fille) et enfin d’une fillette de son âge, Sasuke parviendra-t-il à libérer sa sœur ?

Commentaires

En 1958, la sortie du film Le Serpent Blanc est un événement pour l’animation japonaise : jusqu’alors essentiellement axée autour de courts-métrages en noir et blanc, Toei Animation sort son premier long-métrage en couleurs. Adaptant une très vieille légende asiatique d’origine chinoise, le film reprend la recette à succès des studios Walt Disney : adaptation d’un vieux conte connu du grand public, soin au niveau de l’animation (il ne s’agit pas encore d’animation limitée, mais bien de full animation comprenant 24 images par seconde), petits animaux mignons accompagnant le héros et présence de nombreuses chansons.

Devant le succès du Serpent Blanc, un second film est assez rapidement produit : ce sera La Forêt aux Sortilèges (Shônen Sarutobi Sasuke en VO, littéralement Sarutobi Sasuke, le jeune ninja). Là encore, l’influence Disney est palpable : outre la présence d’animaux mignons comme ressort comique, le récit puise ses sources dans le folklore nippon, imaginant ici la possible jeunesse du légendaire ninja Sarutobi Sasuke. Possiblement inspiré par certaines figures historiques (comme Kôzuki Sasuke), Sarutobi Sasuke est présenté comme l’un des meilleurs ninjas de tous les temps, souvent décrit comme rapide et capable de se déplacer comme un singe (son nom de famille peut d’ailleurs se traduire par singe bondissant). Chef d’un groupe de ninjas probablement fictif, les 10 braves de Sanada (Sanada Jûyûshi) ou les 10 héros de Sanada, il aurait combattu durant l’ère Edo (1603-1868) sous les ordres du samouraï Sanada Yukimura (ce dernier ayant réellement existé). L’existence de Sarutobi Sasuke reste cependant sujette à controverse, notamment sur sa mort dont il existe plusieurs versions. Il apparaît pour la première fois dans un roman intitulé Sanada Sandaiki publié durant l’ère Edo (son auteur reste inconnu). Par la suite, le personnage va connaître une renommée grandissante, notamment au travers de récits rédigés durant l’ère Meiji (1868-1912), puis au travers du cinéma, de la télévision, de la bande-dessinée ou encore du jeu-vidéo... Au point qu’aujourd’hui, le prénom Sasuke est devenu le prénom-type du ninja (en témoignent de nombreux mangas ou anime bien connus, comme Naruto).

Le film chroniqué ici ne reprend que quelques éléments de la légende de Sarutobi Sasuke, le présentant sous les traits d’un enfant apprenant l’art du ninjutsu. L’histoire permet ainsi au jeune public de découvrir ce personnage emblématique de la culture nippone tout en se divertissant grâce à un scénario efficace. En effet, si Le Serpent Blanc est généralement loué pour ses qualités techniques et graphiques, La Forêt aux Sortilèges est plutôt cité pour ses progrès en termes de narration et de rythme par rapport au précédent film. Néanmoins, cette évolution ne semble pas s’être faite sans concessions.
Si l'animation reste très fluide pour l’époque et les décors, directement inspirés des estampes japonaises, donnent un style particulier au film, le chara-design des personnages est moins réussi. Comme dans Le Serpent Blanc, les personnages sont très typés asiatique, mais là où le précédent film proposait un design plutôt esthétique et rond pour ses personnages, celui de La Forêt aux Sortilèges est plus anguleux, voire quelque peu grossier. Les personnages ne sont pas particulièrement beaux, au point qu’une scène du film fait dire à la petite fille qu’elle est victime des brigands à cause de sa beauté, ce qu’ironiquement ces derniers contredisent. Les couleurs sont quant à elles très similaires aux tons utilisés dans les estampes traditionnelles. Un choix artistique qui ne plaira pas à tous, mais qui attirera peut-être l'attention des curieux voulant découvrir un film différent des productions actuelles.

Au vu de sa courte durée (83 minutes en VO), le film se concentre essentiellement sur l'apprentissage du jeune garçon puis son combat contre la sorcière. Comme noté plus haut, le scénario est bien rythmé et nous permet de suivre pas à pas l'évolution de Sasuke. L'ambiance du film est particulière, tantôt étrange et fantastique, tantôt proche d'un film de chambara (films mettant en scène des combats à l’épée). Certaines scènes peuvent paraître effrayantes pour les plus jeunes, comme par exemple la danse de Yaksha ou encore le combat final entre Sasuke et la sorcière (superbement animés par le chara-designer du film Akira Daikubara, un animateur de renom malheureusement trop méconnu en Occident).

Toei Dôga persévérera l’année suivante avec Saiyûki (traduit en français sous le titre "Alakazam le petit hercule") puis Anjû to Zushiômaru en 1961, adapté d’une très vieille légende qui avait déjà donné naissance à un film live en 1954, "L’intendant Sanshô". Retrouvant un design plus proche du Serpent blanc tout en proposant une narration plus dynamique, Anjû to Zushiômaru sera par ailleurs l’une des premières interventions d’Isao Takahata (Le Tombeau des Lucioles, Le Conte de la Princesse Kaguya) sur un film d’animation en tant qu’assistant-réalisateur.

Tout comme Le Serpent Blanc, La Forêt aux Sortilèges fera partie des premiers anime à être distribués en Occident, par l’intermédiaire de son adaptation en anglais Magic Boy. Il acquerra notamment une certaine renommée en Allemagne de l’Ouest (sous le titre Der Zauberer und die Banditen), bénéficiant de plusieurs rediffusions télévisées au fil du temps. En revanche, en France il est totalement inconnu alors qu'il s'agit pourtant du tout premier film d'animation japonais distribué sous nos latitudes !
Concernant la version française, nous n’avons malheureusement que très peu d’informations, le film n’ayant eu droit qu’à une distribution limitée dans le Nord et en Belgique. L’on peut supposer néanmoins que la traduction des dialogues et les noms des personnages suivaient de très près la version américaine : à savoir une adaptation à peu près fidèle à la version japonaise, à l’exception du terme "ninjutsu" qui est remplacé par celui de "magie". En effet, dans la version occidentale, Sasuke n’est plus un ninja, mais un apprenti magicien. Peut-être ce changement vient-il d’une volonté des distributeurs américains de faire comprendre au jeune public, encore peu familiarisé avec la culture japonaise, les techniques utilisées par le héros, ces dernières pouvant effectivement donner l’illusion d’être "magiques". Le jeune garçon est aussi présenté comme un futur samouraï, car ce statut avait alors une connotation largement plus positive en Occident contrairement au ninja, vu comme un assassin de l’ombre ; les affiches promotionnelles de la MGM indiqueront d’ailleurs de manière erronée que le titre original du film serait The Adventures of the Little Samurai (Les Aventures du petit samouraï).

Malheureusement, devant les échecs successifs des versions américaines des précédents films, la MGM renoncera à importer ces premiers longs-métrages d’animation ; seuls l’Italie et certains pays hispanophones continueront à en proposer au jeune public.

Auteur : veggie 11
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Shônen Sasuke Sarutobi © Kazuo Dan / Tôei Company
Fiche publiée le 01 novembre 2018 - Dernière modification le 08 novembre 2018 - Lue 8919 fois