Jours d'Hiver

Fiche technique
Nom originalFuyu no hi ((連句アニメーション) 冬の日)
OrigineJapon
Année de production2003
Durée40 minutes
Auteur Bashô, Yasui, Kakei, Jûgo, Tokoku, Shôhei (Renku)
RéalisationKihachirô Kawamoto (organisateur), Yôichi Kotabe, Isao Takahata, Youri Norstein, Mark Baker, Bretislav Pojar, Nombreuses Personnes
ProductionTatsuo Shimamura
SupervisionKihachirô Kawamoto
ScénariiKihachirô Kawamoto, Yôichi Kotabe, Isao Takahata, Youri Norstein, Mark Baker, Bretislav Pojar, Nombreuses Personnes
AnimationKihachirô Kawamoto, Yôichi Kotabe, Isao Takahata, Youri Norstein, Mark Baker, Bretislav Pojar, Nombreuses Personnes
MusiquesShin'Ichirô Ikebe
Diffusions
Arrivée en France (cinéma)17 octobre 2007
Editions
Sortie en DVD20 mai 2008 (Les Films du Paradoxe)
Synopsis

« Errant au vent d’automne, ressemblerais-je au poète Panier percé ? » C'est par cette composition des plus poétiques que débute l'histoire. A travers l'animation, nous découvrirons la vie pendant la période d'Edo selon de grands poètes japonais. Amour, tristesse, joie, et tant d'émotions encore, seront les maîtres-mots de Jours d'hiver.

Commentaires

Tout au long de sa vie, Kihachirô Kawamoto (1925-2010), réalisateur japonais spécialiste en animation de marionnettes, s'est intéressé à l'histoire et à l'art de son pays, ce sentiment de patriotisme et de réel engouement à l'ancestral japonais se ressent dans quelques-unes de ses œuvres, tel que Shijin no shôgai (La Vie d'un Poète, 1974, inédit en France).
Mais ce n'est qu'en 1988, alors qu'il feuillette avec curiosité l'ouvrage Le Monde de Bashô (Bashô no sekai), tout juste écrit par le professeur d’Université Ogata Tsutomu, que Kawamoto voit naître une véritable admiration pour le célèbre poète de la période Edo, instigateur du haïku (Poésie japonaise), Matsuo Bashô.

Cette passion conduira, naturellement, l'animateur à se documenter sur Jours d'Hiver (Fuyu no hi - disponible aux éditions POF chez nous). Ecrit il y a plus de 300 ans, il s'agit de l'un des plus connus recueils de renku de Bashô. Mais qu'est-ce qu'un renku ? Il est légitime de se pauser cette question avant de développer plus en détails l’œuvre.
Un renku, pour être concis, n'est rien d'autre que l'un des trois grands types de poésie traditionnelle nippone (les deux autres étant le haïku et le tanka) ayant pour objectif premier de former des vers poétiques, le tout en collaboration avec plusieurs poètes. Ces dernier, pour ce rassembler, sont ainsi instigués par un organisateur, qui doit, dans la tradition, solliciter la venue d'un invité d'honneur, poète connu dans tout l’archipel, qui aura le privilège de composer la première strophe ; l'organisateur réalisant, au minimum, la deuxième et dernière tandis que les autres invités réaliseront les autres strophes.

Ce qui rend Jours d'hiver aussi particulier c'est, sans conteste, le fait qu'il soit écrit par des grands noms de la poésie de la période Edo : Bashô, Yasui, Kakei, Jûgo, Tokoku, Shôhei, la plupart étant très jeunes (Yasui n'avait que 27 ans à l'époque) le recueil n'en est que plus exceptionnel, d'autant que, de surcroit, la composition de l'écrit est des plus poétiques. Mais, en dehors de tous ces points, c'est la liaison entre ces 36 strophes qui est hors-du-commun. En effet, chaque poète s’est appuyé sur le verset précédent pour élaborer à tour de rôle le suivant. Des images se succèdent ainsi et se modifient peu à peu au fil de l’inspiration de chacun. Il s'agit, là, vraisemblablement d'un travail d'orfèvre, dévoilant l’immense richesse de la culture de l’ère Edo.

C'est pour transmettre tout cela, que, dès la fin des années 1980, Kihachirô Kawamoto à l'idée d'adapter, en métrage d'animation, le renku dépeint plus haut. Pour respecter à la lettre l'art du rassemblement d'un collectif dans le renku, Kawamoto décide d'en être l'organisateur, est de faire appel à un réalisateur d'animation de renom qui tiendra lieu d'invité d'honneur, accompagné d'autres invités moins prestigieux mais pourtant talentueux, ainsi que de Japonais animateurs et même réalisateurs. Cet ensemble d'artistes devront, ainsi, réaliser des segments cohérents avec le précédent tout en suivant fidèlement la trame des poètes.

Ce projet ambitieux mettra, tout de même, dix ans à se concrétiser puisque ce n'est qu'en 2000, lors du Festival d’Hiroshima, que Kawamoto rencontrera l'animateur indépendantiste Furukawa Taku et lui fera part de son souhait. C'est dans ce même festival que Tatsuo Shimamura sera pressenti pour être le producteur. Le ralliement de MM.Taku et Tatsuo Shimamura était donc fait. De son retour d'Hiroshima, Kawamoto entreprendra de contacter par courrier plusieurs maîtres d'animation dont le travail lui plaisait.
Mais, avant toute chose, un invité d'honneur doit être sollicité pour réaliser le premier verset complexe de Bashô, cette personne sera Youri Norstein (Le Hérisson dans le Brouillard), un russe des plus talentueux ayant officié dans le célèbre studio soviétique Soyouzmultfilm (Une myriade de ses courts-métrages d'animation est disponible dans la collection en plusieurs volumes de AK vidéo : Les Maîtres de l’animation russe).
D'autres étrangers seront, ainsi, appelés à collaborer; trois d'entre eux auront l'un des versets écrits des mains de Bashô, réputés pour être les plus difficilement élaborés. Ce sont : Bretislav Pojar (Tchéquie), Mark Baker (Royaume-Uni) et Raoul Servais (Belgique francophone). Pour obtenir une égalité parfaite, trois Japonais seront aussi nommés pour adapter l'une des strophes du même poète : Taku Furukawa, le même que celui cité au paragraphe précédent, l'immense Isao Takahata, adaptant ici le verset 28, le plus compliqué de toute l’œuvre selon Kawamoto, et le duo d'animateurs que constitue Reiko Okuyama (qui dirigea seule l'animation de La Petite sirène) et son mari Yôichi Kotabe (Biniky, Elfie...).

Cette particularité de l'omnibus de contenir 36 segments pourrait induire en erreur en pensant qu'il y aussi 36 réalisateurs.
Or, comme le dernier duo cité pourrait le faire comprendre, certaines séquences ont été attribuées à deux personnes, c'est le cas d'Okuyama et Kotabe, mais aussi de Kifune Tokumitsu et Ishida Sonoko, dits les IKIF. Le nombre de réalisateurs est ainsi étendu à 38.

Lorsque tous les réalisateurs se virent attribuer leur verset, Kawamoto décida de superviser toutes les réalisations, il demanda ainsi à ce que tous les participants, peu importe leur popularité, mettent à disposition les story-boards (scénarimages) des différents courts-métrages de 30 à 120 secondes au grand maximum, avec une moyenne de 40, voire 50 secondes. Cette obligation était une façon, pour Kawamoto, de veiller à ce que le contenu visuel soit bien représenté et fidèle au texte original, afin que l'ensemble soit cohérent avec les précédents segments et que l'enchaînement soit parfait. Pour les étrangers, cette supervision était aussi une manière d'être certain que les décors utilisés dans l'animation soient les plus réalistes possible avec la réalité, de l'ère Edo notamment.

Malgré cette contrainte, la réalisation est plutôt libre pour tous les participants, c'est ainsi un kaléidoscope de styles et de techniques d’animation hétéroclites, pourtant harmonieux, qui va de l'animation traditionnelle, à celle moderne via internet, en passant par du stop-motion ou de l'animation de marionnettes. En plus de cela, entre chaque court est ajouté un panneau indiquant la strophe adaptée, sous les musiques du grand compositeur Shinichirô Ikebe. Cette technique n'est pas sans rappeler celles utilisées pendant l'époque du cinéma muet, tant celui de l'animation que de la prise de vues réelles.

Une fois l’œuvre terminée, le film a bénéficié d'une diffusion en première internationale en décembre 2003 au festival du Forum des images ; un documentaire de 65 minutes (alors que Jours d'hiver ne dure que 40 minutes !) sera créé, pour l'événement, mettant en avant la production du film d'animation et les coulisses de ce même tournage. A cette occasion, le maire Bertrand Delanoë, remet la Médaille de la Ville de Paris (Grand Vermeil) à Kawamoto. Malgré cette opportunité, pour certains distributeurs, d'obtenir les droits pour une sortie cinéma en France, ce n'est qu'en octobre 2007 que Les films du Paradoxe sort le moyen-métrage dans une poignée de salles obscures d'Hexagone. L'année suivante, grâce à la même société, un DVD, accompagné d'un livret pertinent et du même documentaire qu'au festival de 2003, paraît.

Vous pouvez consulter le livret disponible dans le DVD, contenant, entre autres un entretien et la succincte biographie de chaque réalisateur, sur le site des Films du Paradoxe dans la section Matériel de Promotion.

Auteur : sam54
Sources :
Livret DVD Films du Paradoxe
https://cinema.filmsduparadoxe.com/
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Fuyu no hi © Bashô, Yasui, Kakei, Jûgo, Tokoku, Shôhei (Renku) /
Fiche publiée le 21 décembre 2018 - Dernière modification le 24 décembre 2019 - Lue 5655 fois