Bubble Bath

Fiche technique
Nom originalHabfürdö – Zenés Trükkfilm Svídobbanásra
Bubble Bath – Comédie musicale pour battements de cœur
OrigineHongrie
Année de production1979
ProductionPannónia Film
Durée75 min
AuteurGyörgy Kovásznai
RéalisationGyörgy Kovásznai
ProductionÁgnes Szigethy
ScénariiGyörgy Kovásznai
AnimationKatalin Bánki, Iván Jenkovszky, Magda Kecskés, Iván Kiss, Jenõ Koltai, Zoltán Madarász, Erzsébet Nyirö, Anna Orbàn, Geza Rosta, Edit Szalay
Direction de l'animationSándor Juhász
Direction artistiqueGyörgy Kovásznai, Sándor Juhász
DécorsMiklós Papp
MusiquesJános Másik
Editions
Sortie en DVD / Blu-ray16 juin 2021 (Extralucid Films)
Synopsis

Zsolt Mohai, décorateur d’intérieur, est sur le point d’épouser Klari. Mais au lieu de se rendre à l’hôtel où la cérémonie doit avoir lieu, le futur marié se dirige chez Anna Paradi, une amie de sa fiancée. La jeune femme, en pleine révision pour son entrée à la faculté de médecine, se retrouve face à un étrange personnage paranoïaque et hypocondriaque qui lui supplie d’exaucer sa requête : téléphoner à Klari pour lui annoncer que le mariage est purement et simplement annulé ! Refusant de faire une chose pareille à son amie, Anna tente de persuader Zsolt de ne pas fuir. Commence alors une discussion autour de la vie de couple durant laquelle chacun finira par confier à l’autre ses blessures intimes. Avec peut-être un début de flirt… 

Commentaires

Enfant terrible de la scène artistique hongroise, György Kovásznai est probablement le représentant le plus atypique de la peinture animée. Au sein de cette branche particulière de l’animation, bon nombre de figures essentielles se sont illustrées, entre le russe Aleksandr Petrov et sa densité picturale, le suisse Georges Schwizgebel et ses jeux sur la perception de l’espace ou l’italien Gianluigi Toccafondo et ses distorsions expressionnistes. Kovásznai de son côté privilégie une esthétique proche de l’art brut en mettant l’accent sur la matière même et sa viscosité. Débordant sans cesse du cadre, agitée de soubresauts mettant en valeur son aspect pâteux, la peinture à l’huile s’étale et forme des éléments tantôt abstraits, tantôt figuratifs, le tout sur fond de collages sonores. Des courts-métrages tels que Double Portait (Átváltozások, 1964), Longueurs d’onde (Hullámhosszok, 1971) ou Souvenirs de l’été 1974 (A 74-es nyár emléke, 1974) témoignent de cette esthétique exaltant le plaisir de l’image en mouvement qui, sous ses oripeaux abstraits, n’en oublie pas pour autant de traiter de la société hongroise de son temps. Et d’autres œuvres comme Contes du monde de l’art (Mesék a m?veszet világából, 1967), mêlant peinture et dessin animé, dévoilent chez Kovásznai l’âme d’un satiriste mordant.

C’est donc au terme d’un riche parcours marqué par la peinture (pratiquée depuis l’âge de 15 ans) et un total de 29 films courts que le réalisateur décide de livrer son unique long-métrage. Bien décidé à offrir au studio Pannónia le film le plus avant-gardiste de son histoire, Kovásznai réunit une équipe de jeunes artistes non encore formatés par les principes de l’animation conventionnelle afin de donner corps à sa vision unique du médium. Là où Disney fait appel à un certain naturalisme au service du merveilleux, le réalisateur hongrois va faire appel à la liberté plastique absolue pour embrasser la société contemporaine… avec la présence de numéros musicaux pour seul point commun !
Divisés en petits groupes, les animateurs passeront six semaines à prendre les personnages en main de multiples manières à partir des voix des comédiens mais aussi de leur physique et des vêtements que ces derniers portaient lors de l’enregistrement. Ainsi, les personnages sont traités non pas comme des personnages mais bien comme des éléments graphiques à part entière. Si leurs personnalités respectives sont bien établies par leurs dialogues et leurs réactions face aux situations, il n’en est rien du point de vue visuel : les protagonistes changent de style graphique à chaque plan (et parfois même au sein d’un même plan). Ils se déforment, se gonflent, s’atrophient, se liquéfient, se figent, s’allongent, se font tour à tour éthérés et flottants ou bien rigides et mécaniques, fourmillant de détails ou réduits à des figures abstraites. En plaçant le principe de la métamorphose au centre de son expression, Kovásznai revient aux fondamentaux de l’animation en faisant valoir son langage singulier vis-à-vis de la prise de vues directes. Les émotions des personnages, leurs frustrations et leurs incertitudes sont extériorisées et font directement corps avec eux, dans des déclinaisons et déformations plastiques constituant autant de facettes de l’âme humaine ; les protagonistes sont alors aussi bien saisis dans leur essence que dans leur incapacité à exprimer leurs vrais sentiments. Qualifiée d’anima-vérité par le réalisateur (en référence au cinéma-vérité théorisé par Edgar Morin), cette approche se définit par l’usage de l’exagération graphique pour révéler l’intériorité des individus ; le réalisme qui en découle passe également par l’intégration dans certaines scènes d’authentiques témoignages de parents et d’enfants traités de façon stylisée, un procédé que Kovásznai avait utilisé sur sa série C’est juste la mode (Ez csak divat, 1976) et qu’il emploiera sur son dernier film Reportrait (Riportré, 1982).
Ce choix artistique est au service d’une narration évoluant entre la romance, la comédie musicale et la chronique sociale. Car Bubble Bath dresse avant tout le portrait d’une génération hongroise confuse et désabusée qui ne se reconnaît plus dans le mode de vie idéalisée du régime socialiste avec la question du mariage, de la parentalité ou même des aspirations personnelles en général. Cette dimension critique se concentre principalement dans les chansons qui émaillent le récit, où chaque personnage est enfermé dans ses schémas mentaux entre la dévotion aux études (Anna), la persuasion d’être un artiste incompris (Zsolt) ou la passion consumériste entre électroménager et champagne (Klari). Et la musique de János Másik répond également à cette logique de mélange de genres, avec une production moderne entre pop orchestrale et jazz-funk.
La logique de collage du réalisateur se retrouve également dans les décors à base de dessin, de peinture et de photos découpées, auxquels sont ajoutés de nombreux effets visuels, entre filtres déformants et jeux de lumière élaborés qui maintiennent un ton psychédélique du début à la fin. Trouvant sa cohérence dans son inconstance, Bubble Bath constitue un sommet d’animation d’avant-garde qui ne trouvera d’équivalent que 20 ans plus tard avec des œuvres comme Waking Life (Richard Linklater, 2001) ou Mind Game (Masaaki Yuasa, 2004).

Malheureusement trop en avance sur son temps, le film sera l’un des plus gros échecs commerciaux de l’animation hongroise, ne réunissant qu’à peine 50.000 spectateurs et laissant la critique partagée entre la forme jugée trop sophistiquée et la satire du mode de vie socialiste jugée trop grinçante. Le studio Pannónia recentrera suite à cela son activité sur des productions grand public plus commerciales tandis que Kovásznai, condamné par une leucémie, se consacrera à la peinture et réalisera deux derniers courts-métrages avant de s’éteindre en 1983 à l’âge de 49 ans. Son travail sera redécouvert en 2010 avec une exposition qui lui sera dédiée ; Bubble Bath devient dès lors une œuvre culte pour la génération magyare des 20-30 ans et une référence mondiale pour les amateurs éclairés d’animation. Fin 2019, le film est temporairement mis en ligne sur la page Vimeo de la Cinémathèque Hongroise avant qu’une nouvelle restauration numérique 4K ne voit le jour en 2021 à la date du 15 mai, jour de naissance du réalisateur. Projeté dans la sélection Classics du Festival d’Annecy, le film est en parallèle édité en DVD/Blu-ray chez Extralucid Films.

Auteur : Klaark
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Habfürdő – Zenés Trükkfilm Svídobbanásra © György Kovásznai / Pannónia Film
Fiche publiée le 01 février 2022 - Dernière modification le 30 novembre 2022 - Lue 3872 fois