Présentation
En 1993, sur Canal J, alors première et unique chaîne de télévision destinée à la jeunesse, à partir de la première semaine du mois de janvier, où en cette époque la chaîne propose depuis le début de la décennie – la dernière du 20ème siècle – une grille des programmes d'une grande richesse, une nouvelle émission est proposée pour débuter la journée du dimanche de 7h00, heure d'ouverture de la chaîne, à 9h00 (et rediffusée le samedi suivant à la même heure).
Le principe de cette émission matinale était très simple puisqu'il s'agissait d'une programmation de quelques séries d'animation (et autres) à destination du jeune public, de 2 à 6 ans et un peu plus, avec entre chaque œuvre l'intervention d'une jeune animatrice prénommée Frédérique (photo ci-contre). Celle-ci présentait ce programme en intervenant avec douceur auprès des jeunes téléspectateurs et téléspectatrices, ses interventions étant comme des petites bulles où elle jouait de courtes scènes à la fois amusantes et poétiques.
L'émission était ainsi présentée et animée par l'artiste de théâtre, metteuse en scène, comédienne et chanteuse Frédérique Poslaniec, fille de l'écrivain, chercheur, enseignant et romancier pour la jeunesse Christian Poslaniec et de la traductrice Michèle Poslaniec. Avec également une grand-mère chanteuse et un grand-père violoniste, c'est tout naturellement que Frédérique prît avec passion le chemin de la vie d'artiste (elle est notamment diplômée du conservatoire d'Art Dramatique du Mans et a de même obtenu une licence d’Etudes Cinématographiques et Audiovisuelles de l'Université de Paris VIII).
Frédérique Poslaniec nous en dit un peu plus sur la naissance de cette émission : « C'est Eve Baron, directrice des programmes de Canal J, qui était à l'initiative de ce projet : elle m'avait embauchée suite à notre rencontre au sujet d'un spectacle jeune public que je jouais à l'époque au théâtre du Guichet Montparnasse, Le Marchand de mémoire, écrit par mon père Christian Poslaniec, avec la comédienne Jocelyne Auclair comme partenaire et mis en scène par Annie Vergne (que je mets en scène aujourd'hui à mon tour) ». Eve Baron ne fut pas enthousiasmée par la pièce et elle lui dit à ce sujet « Le projet de m'intéresse pas du tout, mais la petite brune aux yeux bleus, si. ». De fait, Frédérique Poslaniec fut engagée comme « présentatrice » pour animer la programmation pour les plus petits et plus que celui d'animatrice, elle jouait un rôle, celui de Frédérique au pays de l'alphabet et des chiffres : chacune de ses interventions étaient l'occasion de présenter une lettre en majuscule (ou un chiffre), en observant ses formes et sa représentation, et de s'amuser ainsi autour de l'aspect de chacune d'entre elles en jouant également avec les mots. Frédérique se promenait en ce pays tout aussi coloré que ses vêtements et elle empruntait un peu de l'allure du clown, son joli visage souriant aux joues légèrement roses rassurant les plus petits et les expressions qu'elle mimait les amusant.
Frédérique a conservé divers souvenirs quant à la fabrication des sketches ponctuant la programmation : « Je me souviens qu'avec Jean-Marc Grefferat le réalisateur, nous réfléchissions ensemble sur les situations théâtrales et il finalisait les textes. Chaque intervention était basée sur une lettre de l'alphabet. Je me souviens également, et cela était très particulier, que je devais faire semblant de m'adresser à des partenaires qui n'existaient pas, faire des mouvements sans aucun rapport avec ceux que l'on verrait ensuite, car habillés par des animations graphiques (tout était tourné en fond bleu) et que l'image était inversée, ainsi pour me voir aller à gauche, je devais aller à droite, ce qui pouvait parfois être déstabilisant. C'était une expérience amusante pour moi, à l'époque, mais nous tournions en vase-clos, avec seulement le réalisateur, un technicien et moi, je n'ai donc pas du tout rencontré les autres animateurs. ».
Issue de l'univers du théâtre et du spectacle vivant, Frédérique Poslaniec faisait là l'expérience de la télévision (qu'elle ne renouvellera pas) tout en mettant en scène cette année-là et pour la première fois une pièce au théâtre du Guichet Montparnasse. Puis, en 2000, elle crée la compagnie du Théâtre Tout Terrain (à Rouez dans la Sarthe) qui s'adresse à tous les publics et fait scène tout espace pouvant être le théâtre de ses créations, d'une crèche à une maison de retraite en passant par une école ou une scène d'un théâtre ou autres, d'où son appellation... Frédérique Poslaniec, qui quelque peu influencée par ses parents se plongea dans la lecture très jeune, nous dit quelques mots quant à son rapport avec la télévision : « J'ai toujours été une grande lectrice, il faut dire que la maison parentale ressemblait beaucoup à une bibliothèque, ce qui ne nous empêchait pas de fréquenter aussi la bibliothèque municipale. En ce qui concerne mes souvenirs télévisuels d'enfance, mes parents n'avaient pas la télévision, alors j'ai découvert à l'âge de 18 ans (quand j'ai eu la TV chez moi), les émissions dont mes camarades de classe me rebattaient les oreilles et que je faisais semblant de connaître... ».
Son émission, où son prénom donnait son titre à cette programmation dominicale, faisait de la sorte écho en cette même saison à celle du dimanche après-midi sur la même chaîne présentée par un autre artiste de la scène, à savoir Monsieur Nô dont l'émission portait également le nom de son présentateur et avec qui elle partage un autre art, celui du chant (elle a notamment créé avec Maryse Peltier le duo Les Miss Tinguettes). Frédérique Poslaniec : « J'ai eu l'occasion de rencontrer Jean Nô plus tard, en tournant un petit clip pour une de ses chansons mais je ne crois pas l'avoir croisé à l'époque. ». Avec ces deux artistes venus du monde du spectacle vivant (auparavant Frédérique avait joué également des petits rôles dans quelques courts et longs-métrages), Canal J offrait alors une image mêlant au ludique divertissement audiovisuel un certain sens de la culture, de l'artistique au pédagogique. Quelque un million de foyers français étaient alors abonnés au Câble en cet âge d'or de celui-ci. Frédérique Poslaniec nous dit ses sentiments que nous partageons pleinement concernant cette télévision câblée d'alors : « Je pense que les débuts des chaînes câblées étaient enthousiasmants, foisonnants d'idées nouvelles et les émissions étaient réalisées artisanalement, presque en famille, et il me semble que cela a totalement été récupéré aujourd'hui par des logiques de rentabilité commerciales et d'audimat. ». En effet, comme toutes choses se défont et que rien ne dure vraiment, passé le cap de l'an 2000, toutes les chaînes du Câble ont perdu leur âme et leur originalité, Canal J devenue ce qu'elle n'était pas, Canal Jimmy qui n'est plus, Télé Monte-Carlo TMC qui n'a plus rien du Sud...
Si ce passage à la télévision ne dura que le temps de deux années, Frédérique en garde un joli souvenir, et telle une messagère – Poslaniec signifie « messager » en polonais (ses grands-parents étant orignaire de Pologne, le pays de Lolek et Bolek) –, elle a poursuivi sur les planches ses multiples activités théâtrales afin d'apporter aux spectateurs et spectatrices quelques messages et beaucoup de bonheur.
Parmi les séries d'animation et autres qui furent diffusées dans cette programmation, il y eut : Une Faim de loup, Les Koalous, Pif et Hercule, S.O.S Polluards, Le Prince et la Sirène, Tao Tao, Ty et Uan et Le Vent dans les saules.
Nous remercions chaleureusement Frédérique Poslaniec d'avoir partagé avec nous quelques-uns de ses souvenirs sur cette émission pour ainsi offrir une fiche, qui nous l'espérons, rappellera de doux et joyeux souvenirs à celles et ceux qui furent les jeunes témoins de ce programme.
Nous vous invitons également à lire ici l'article consacré à cette émission signé par Ingrid Violet « Frédérique, de A jusqu'à Z. » paru dans le TéléCâble du 16 au 22 janvier 1993.
